Les murs, n’est-ce pas la chose la mieux partagée au monde ? Il y en a partout et depuis toujours. Ils séparent, ils protègent, ils enferment.

En Corse, et singulièrement dans le Cap, les murs sont omniprésents. Parlons, ici, des murs de pierres élevés pour retenir la terre à cultiver. Là où il y a de la pente, il y a un mur. Et, dans le Cap, la pente est partout ou presque. Alors il y a des murs, œuvre première pour piéger la terre et l’eau, fixer la terre nourricière.

Le Cap aurait pu rivaliser avec la région des Cinque Terre italiennes en Ligurie, classée au patrimoine mondial de l’Unesco (1997). C’est le royaume absolu de la pierre et des murs. Mais le Cap ne se défend pas mal non plus.

Les plus beaux murs sont sur le versant ouest. A Centuri, à Barrettali, à Nonza, les murs forment d’immenses escaliers qui vont jusqu’à la mer. A Pino, c’est tout un dispositif de murs, de rigoles empierrées et de bassins pour capter et conserver l’eau des montagnes qui est à découvrir. A Luri, le sentier du patrimoine, long de quatre kilomètres, est une collection de murs et de chemins. A Olmeta di Capicorsu, murs de pierres anciens et nouveaux alternent. La qualité de leur réalisation atteste une très haute maîtrise d’exécution. A Pietracorbara comme à Sisco, murs anciens et nouveaux se répondent. Des hommes de l’art prouvent que le savoir-faire des murs en pierres sèches n’est pas perdu.

Scruter les murs, en déceler la mélodie minérale (un œil exercé, dit-on, voit dans un mur les changements de main de ceux qui l’ont construit) est un rite d’initiation à la culture du lieu, surtout quand celui-ci, comme le Cap Corse, est zébré de murs, comme autant de lettres primitives d’un alphabet géographique qui raconterait un territoire.