L’endroit ne paie pas de mine. Sur la départementale 35 qui descend de Morsiglia-village et débouche sur la mer pour rejoindre Centuri, les tamaris font écran à la modeste bâtisse posée près du fiume guadu, un ruisseau à sec qui se perd dans les galets de la plage de Mute.
La bâtisse est une chapelle désacralisée, dédiée à saint Sébastien –San Sebastianu-. Elle a été, pendant trois étés, de 1968 à 1970, une matrice à produire de l’art autrement, un haut lieu enthousiaste de création : les murs intérieurs et extérieurs et le parvis de la chapelle ont été les supports de l’inventivité des « Centurions », une phalange d’une quinzaine de jeunes artistes menée par un professeur hors pair, José Lorenzi, et un plasticien en devenir, Dominique Degli-Esposti.
À l’intérieur de l’oratoire, le galet est roi. Le mur du fond, au-dessus de l’autel, en est joliment tapissé. Au sol, une procession de pierres aux formes adoucies par les flots conduit jusqu’à l’autel. Une croix en bois flotté, incrusté de minuscules pierres blanches, posée en hauteur, accueille le visiteur.
À l’extérieur, les mosaïques aux pierres noires, rouges et blanches, s’étirent en vagues, en cercles, en arabesques. Au-dessus de la porte d’entrée, la sculpture dite des « doigts entrelacés » appelle à la fraternité.
Mais l’ensemble a mal résisté au temps, aux vents et à la mer toute proche.
Faut-il restaurer ce lieu si particulier, jaillissement créatif et collectif de vies en train de s’affirmer ? Que sont ces jeunes artistes devenus ? Le sculpteur des « doigts entrelacés » est mort jeune. Un autre a fait de la politique. Il est maire de sa commune (2021). Un autre est enseignant d’arts plastiques à la retraite. Un quatrième est désormais plasticien de renommée internationale. Il s’appelle Ange Leccia.