Lever la tête et regarder les toits. Viser les cheminées pour le plaisir de la découverte. Vous serez souvent déçus et parfois ravis : les cheminées racontent toujours une histoire, de la plus banale à la plus extraordinaire. Une cheminée, d’abord, ça chasse la fumée hors du logis. Mais ça doit aussi résister aux vents mauvais de l’hiver. Il y a des cheminées, simples tuyaux sortant du toit, à peine habillés d’un crépi disgracieux. À côté de ces pousses-fumées utilitaires, il existe des cheminées-bijoux, ciselées comme des œuvres d’art, par la main experte d’un maçon ou d’un couvreur. C’est  leur instant de fantaisie, le totem de pierres qu’ils hissent sur le toit pour finir la maison en beauté.
Mais la beauté se doit d’être ingénieuse. Utiles et belles à la fois : le Cap Corse possède une collection remarquable mais peu remarquée de cheminées originales. Il y a la classique cheminée insulaire et son chapeau de lauzes en accent circonflexe. Une valeur sûre qui, par sa savante sobriété, s’inscrit joliment dans le paysage, comme à Olmeta di Capicorsu. Il y a, à Rogliano, Centuri et Sisco, quelques spécimens remarquables, comme ces cheminées en cou de girafe travaillées par un peintre cubiste. Originalité, aussi, des petits chapeaux qui coiffent les conduits : une pyramide à Rogliano, un pain de sucre à Pietracorbara.
Dans cette vallée, les habitants ont pris un goût particulier à soigner la réalisation de ces édicules avec, par exemple, des galets à leur sommet, sans doute pour permettre aux oiseaux de s’y reposer un instant.