Elles sont rares et passent inaperçues dans les hameaux du Cap. Mais elles méritent, du fait de leur âge vénérable et d’une résistance pugnace, respect et considération. « Elles », ce sont les premières boîtes aux lettres de la Poste française qui sont désormais, plus que centenaires. Elles voient le jour en 1900 sur décision de Léon Mougeot (1857-1928), sous-secrétaire d’État aux Postes et Télégraphes. Celui-ci veut mieux protéger le courrier, qui était déposé dans des boîtes en bois, régulièrement dégradées.
Le déploiement de ces « Mougeottes » se fait sur l’ensemble de l’Hexagone, Corse comprise. Dans le Cap aussi fleurissent ces boîtes d’un nouveau type, solides et à l’esthétique recherchée, inspiré de l’Art nouveau.
Mais ces boîtes aux lettres sont aussi une arme que la Troisième République utilise pour marquer son territoire. En 1905, en effet, après un débat acharné, la loi de séparation des églises et de l’État est votée. Elle dispose que les édifices religieux appartiennent aux communes, donc à la République. Et dans les hameaux du Cap Corse, quoi de plus central que les chapelles ? Le lieu d’implantation des Mougeottes est tout trouvé : ce sera le mur pignon de ces lieux de culte, propriété de la République ! Les Mougeottes vont tenir plus d’un demi-siècle avant d’être remplacées par des boîtes plus fonctionnelles mais bien moins belles. Il en existe encore au moins deux, relevées par le facteur : à Castellu, hameau de Brando et à Pietracorbara, au hameau du Ponticellu. Cette dernière a été restaurée, en 2008, par l’association Petra Viva.
Mais d’autres Mougeottes survivent sans doute encore dans quelques hameaux capcorsins, les plus à l’écart, les moins accessibles. Là où, précisément, elles ont cessé d’être relevées par le préposé, collègue de François, le facteur du film Jour de fête (1946) de Jacques Tati, qui faisait, chaque jour, sa folle tournée et relevait des Mougeottes.
A l’heure d’internet, quoi de plus poétique que de glisser une lettre dans une boîte née en 1900 !