Par certains côtés, le Cap Corse est un essaim de laideurs, un conglomérat de verrues. Elles sont partout : rares sont les hameaux qui y échappent. Faut-il feindre de ne pas les voir, détourner les yeux, faire comme si elles n’existaient pas ? Au contraire, regardons-les en face, par goût de la vérité, même si elle dérange.
Visitons donc, sans vouloir offenser quiconque, ces laideurs qui gâchent les hameaux.
Il y a d’abord tous les fils –électriques, téléphoniques- toiles d’araignées accrochées aux façades. On aimera, en particulier, les guirlandes triphasées autour de la chapelle Saint-Pancrace à Pietracorbara, poteau de bois en sus. Il y a ensuite les vérandas (mention spéciale pour celles en PVC), les climatiseurs posés sans façon en façade, goulottes blanches en prime ; les volets roulants, les auvents en plexiglas et les tuyaux en PVC (encore lui) non habillés qui sourdent des maisons. De belles accumulations sont à admirer au hameau de Balba, à Sisco et surtout à Castellu, commune de Luri. Il y a enfin (sans toutefois vouloir être exhaustif) le recyclage d’objets utilisés à tort et de travers, partout et pour remplacer n’importe quoi. La récupération, valeur contemporaine, peut donner le pire et le meilleur. Terminons par un cocktail appétissant : un peu de ciment sur de vieux murs en pierres sèches, avec une ou deux fenêtres en PVC et des tuyaux du même matériau, des fils électriques qui partent dans tous les sens et un luminaire blanc au-dessus de la porte d’entrée. Extase assurée. En tête du hit-parade, Teghje, à Sisco, de loin l’un des plus beaux hameaux du Cap. Mais de près, c’est différent. Rude déconvenue.
Bref, infligez-vous ce florilège des laideurs : il dit aussi une certaine aliénation du regard, le poids des modèles importés et l’incurie.