« Sur la lauze fine du couvreur, j’écris ton nom : liberté. » Cette phrase, Gabriel Lipszyc (1924 – 2016) peintre polonais installé à Castiglione, hameau de Luri, aurait pu l’écrire, à la suite de Paul Éluard, tant elle fait partie de sa propre histoire. Déporté à Auschwitz à l’âge de 18 ans, il est le seul survivant de sa famille, exterminée par les nazis.
En Corse, il découvre la lumière de Méditerranée et une certaine sérénité qui l’aide à peindre. Il travaille plusieurs techniques et sur plusieurs supports. À Castiglione, il investit un bout de mur, un pilier de jardin, la rampe maçonnée d’un perron, un passage voûté. C’est ce musée de nulle part – museu sanza locu que célèbre Lucia Santucci, son amie et poétesse, dans un ouvrage qui lui est consacré.
Pour le visiteur du hameau, qui ne sait rien de Gabriel Lipszyc, les portraits de femmes, tracés sur de fines ardoises, resteront mystérieux.
Regards francs, directs, mélancoliques aussi, ces visages accrochés en des lieux improbables sont pleins de charme. Seule la femme aux boucles d’oreilles et au bouquet de fleurs, peinte sur un long bois, comme un travelling immobile, semble sourire aux passants qui la croisent sous la voûte.
Il y a du Chagall dans cette œuvre-là et aussi un air de Bohême, une pincée slave en terre de Corse.
Déambulez à Castiglione si vous aimez les lieux interstitiels, les sombres pépites déposées hors les murs habituels d’une galerie par Lipszyc, peintre atypique.